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Monday, December 15, 2014

Critique d'un campagne Sandbox : Slumbering Tsar


Cette campagne en anglais a été publiée par Frog God Games. L'auteur est Greg Vaughan, qui est assez connu, et est aussi l'auteur de nombreux scénarios D&D et pathfinder depuis des années (y compris des adventure path de Paizo).


Commençons déjà par présenter la bête : elle existe sous deux formes : une suite de 14 épisodes d’une cinquantaine de pages, ou alors sous sa forme “Saga” regroupée en un seul tome de plus de 900 pages. Le tout est en noir et blanc, décorée d’un certain nombre d’illustrations intérieure, de qualité généralement moyenne. L’ouvrage contient un grand nombre de cartes, si on est très loin de la qualité des cartes des “adventure path” de chez paizo, on se rapproche davantage d’un aspect retro très première ou deuxième édition. Cependant, les cartes étant claires et lisibles, ce n’est pas forcément un défaut majeur, sauf si on espérait pouvoir les intégrer directement dans un fantasy grounds pour une partie en ligne (là, je pense que ça va piquer les yeux des joueurs).


Le titre “Slumbering Tsar” fait référence à la cité temple de Tsar, autrefois dédiée à Orcus. C’est en participant à l’écriture de Rappan Athuk (un mega donjon) que l’auteur a eu l’idée de développer une partie du background et de créer cette immense campagne autour de la ville de Tsar, assiégée par les forces de la Lumière, puis abandonnées subitement par les forces d’Orcus. Plusieurs siècles plus tard, la région autour de cette ville est seulement connue sous le nom de “La Désolation”, et ce n’est rien de le dire !


Globalement l’ouvrage est découpé en quatre grandes parties : la Désolation, la cité de Tsar, la citadelle d’Orcus, et les appendices. Ce découpage aura une réalité en jeu, en effet les joueurs devront commencer par explorer la Désolation avant de pouvoir accéder à la ville, puis explorer la ville avant de trouver la citadelle. Il est indiqué dans la campagne que la Désolation est prévue pour des aventuriers de niveau 7-11, la cité pour du niveau 12-16, enfin la citadelle pour ceux qui dépassent le 16ième niveau.


Contrairement à la plupart des campagnes qui proposent un cheminement narratif, comme une succession d’évennements déclenchants la suite de l’histoire, la progression dans Slumbering Tsar n’est dictée que par les actions des joueurs : où ils vont, ce qu’ils font. S’il y a une trame générale globale, car le grand méchant (Orcus) a bien un plan pour conquérir le monde, comme tout grand méchant, mais il n’y a pas de compte à rebours enclenché avant la fin du monde. Par contre, il y a un certain nombre de secrets à découvrir, et de réponses à trouver aux questions que vont se poser les joueurs au fur et à mesure de la campagne, comme par exemple : pourquoi les habitants de Tsar ont abandonné leur ville, ou alors, où sont passé les Cinquante et Un, un groupe de chevaliers et de paladins qui devaient tenir la ville après la fuite des forces d’Orcus. C’est l’occasion pour les joueurs de laisser libre cours à leurs désirs d’exploration et à leur curiosité, la région de la Désolation et tout ce qu’elle contient est un gigantesque bac à sable (sandbox en anglais).


Cela ne veut quand même pas dire que les joueurs sont livrés à eux même et risquent de rentrer par exemple par accident dans l’antre d’un dragon rouge colossal dès la première aventure. L’auteur a pensé à mettre en place un certain nombre de garde fous, comme par exemple le simple fait que certaines zones sont difficilement accessibles au départ. Mais après ma lecture, rien ne s’oppose à ce que des joueurs déterminés au niveau 7 ignorent la plupart des avertissements et aillent droit à leur perte dès le départ s’ils le souhaitent. Après tout, c’est aussi leur choix, la différence entre un vrai challenge et un TPK (“total party kill”, ou “mort du groupe”) est souvent très subjective à D&D/Pathfinder. La campagne proposer aussi un ou deux outils permettant d’orienter les joueurs au cours de la campagne.


La campagne fonctionne comme une série de lieux bien décris. Les situations sont très variées, et ne sont pas répétitives (“oh tiens encore des ogres du temple !”), et offrent potentiellement aussi bien des combats que des opportunités d’exploration, de découverte et de roleplay. Mais avant tout, c’est du pathfinder, donc le combat représente une part importante de l’action. Les situations tactiques sont toujours assez variées, et il y a généralement un petit quelque chose qui change par rapport à certaines autres aventures du commerce. Ce que j’ai surtout apprécié à la lecture de cette campagne, c’est qu’elle raconte une histoire, ou plutôt plusieurs histoires entrelacées, et que le tout est très cohérent avec la vision de l’auteur. Pourquoi telle créature est dans tel endroit, comment tel trésors se sont retrouvés au fond de ce lac de boue etc. L’auteur prend le temps (et la place!) de justifier la plupart des décisions de construction des rencontres. Tout d’abord cela participe de la cohérence de l’ensemble, ensuite, on sait que rapidement, les joueurs peuvent acquérir des outils “magiques” leur permettant d’obtenir des réponses à des questions bien pointues via les sorts de divinations en tout genre. Enfin, même si ça ne change pas grand chose pour les joueurs, qui ne découvriront probablement pas 10% de toutes ces informations, cela permet au meneur de jeu d’avoir la satisfaction intellectuelle de savoir que la construction de la campagne n’est pas juste une succession d’éléments arbitraires pour satisfaire à la recette indispensable d’une campagne pathfinder : telle dose de trésors, telle dose de monstres...


En réalité, cette mine d’informations explique en partie le nombre de pages de cette campagne. C’est aussi une excellente source d’inspiration pour le meneur de jeu afin qu’il puisse broder encore davantage et ajouter encore plus de profondeur à sa propre vision de la Désolation.


Car oui, Slumbering Tsar n’est pas une campagne parfaite. En fait, c'est évident qu'il est impossible d’écrire une campagne aussi ambitieuse et faire en sorte qu’elle corresponde aux attentes de tous les meneurs de jeu qui pourraient être amenés à la lire ou la faire jouer, ainsi que de plaire à tous leurs joueurs. Il y a un certain nombre de défauts, certains sont inhérents à ce style de jeu et d’ambiance, comme le fait que certains type de groupe de joueurs pourraient se retrouver paralysés devant la liberté offerte par une campagne sandbox sans une accroche forte dès le départ : il n’y a pas vraiment d’introduction du style : “votre quête, si vous l’acceptez, sera de …”. Enfin, autre reproche que je ferais à la campagne, c’est qu’en terme de volume de jeu, si la première partie, la Désolation, correspond entièrement au style sandbox, la deuxième partie, et enfin surtout la troisième partie, s’éloignent de ce style de jeu et se rapprochent progressivement d’un dungeon-crawl tout ce qu’il y a de plus classique. En effet, la ville de Tsar offre encore une assez grande liberté avec de nombreux lieux à visiter, mais la troisième partie n’est qu’un gigantesque donjon pour hauts niveaux. S’il semble très bien écrit, avec des rencontres difficiles et originales, cela reste bel et bien un porte - monstre - trésors qui pourrait bien en rebuter certains. Vu le contexte de la campagne et ce qui a été écrit auparavant, je regrette de ne pas avoir trouvé quelque chose de plus proche de la fin de la campagne "The Savage Tide" par exemple, qui à mon sens aurait été une meilleure fin. Cependant, le point positif dans tout celà, c’est que la campagne commence probablement par sa meilleure partie, c’est à dire par la Désolation, et que la plupart des groupes n’iront sans doutes jamais au delà de la deuxième partie. Dans mon expérience personnelle, les groupes de joueurs et les meneurs de jeu capable de la résilience nécessaire pour arriver à jouer plusieurs années sur de tels campagnes ne sont pas légions. On parle ici d’un temps de jeu nécessaire dans le monde réel pendant lequel les joueurs et le maître du donjon auront le temps de vieillir, se marier, avoir des enfants, déménager, changer de boulot... Dans tous les cas, dans la deuxième partie de la campagne, la ville de Tsar, il y a déjà deux gros donjons qui permettront au meneur de jeu de voir rapidement si son groupe de joueurs apprécie ou pas ce style de jeu et d’adapter éventuellement en fonction de celà la troisième partie de la campagne.

Pour conclure, j’ai écris cette critique après avoir lu la campagne, et je ne la publie qu’après avoir fait jouer une petite dizaine de séances, assez pour que mes joueurs explorent environ la moitié de la Désolation (ils sont niveau 10). La difficulté est là, mais elle semble un peu émoussée par tous les suppléments publiés par Paizo depuis sa publication, et peut être aussi par le talent de mes joueurs (ou mon manque de compétence pour les tuer ?). Après cette expérience de jeu, je n’ai pas eu à modifier ce que j’avais écris avant, même si je suis de plus en plus convaincu de la nécessité de faire quelque chose pour les trois ou quatre gros donjons et surtout la troisième partie. Enfin, en tant que maître du jeu, ce type de campagne me semble aussi très intéressante pour y puiser de l’inspiration, ou simpement utiliser tel ou tel morceau dans une campagne maison. Pour l’instant, mon groupe de joueurs va continuer à explorer la Désolation, et découvrir ses secrets...


Le lien vers la boutique
Ou alors le lien vers la version Paizo

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