Il y a de cela 15 ans, les jeux de rôle sur PC connaissaient un nouvel âge d'or, avec l'arrivée du tout premier jeu d'une série qui allait avoir de nombreux descendants : Baldur's Gate.
Baldur's Gate est un jeu de rôle à l'ancienne, avec une équipe de 6 aventuriers, un scénario linéaire et un monde médiéval fantastique semi-ouvert à explorer. Le jeu était basé sur les règles de ADD 2ième édition et dans le monde de campagne des Royaumes Oubliés. Il tourne sous un moteur de jeu graphique nommé Infinity Engine, en vue isométrique. On peut dire que ce premier jeu a fait un carton : dans les années qui ont suivit, il a eu une extension (Legends of the Sword Coast), une suite, Baldur's Gate 2, et une extension à cette suite (Throne of Baal), qui clôturait l'histoire une bonne fois pour toute. Dans le même temps, il y eu aussi une saga parallèle utilisant le même moteur, Icewind Dale, et enfin, LE jeu que beaucoup de monde considère comme le pinacle de la série, Planescape Torment (qui nécessitera un article à lui tout seul).
Avec l'arrivée massive des jeux 3D et la 3ième édition (Neverwinter Nights) au tournant des années 2000, l'ère des jeux infinity engine connut sa fin... S'il y a eu des jeux de rôles sur PC qui ont repris certains ingrédients de la formule "Infinity Engine" depuis, les grands studios se sont détournés de ce type de jeu pour miser sur des jeux consoles ou multi-plateforme où les attentes des joueurs sont différentes (jeux bioware...). C'est pour cette raison que beaucoup de joueurs, dont je fais parti, considèrent que depuis les années 2000, l'époque des vrai jeux de rôle PC est terminée...
C'était jusqu'à l'apparition de kickstarter et des financements participatifs. C'est ainsi que les développeurs indépendants (ou non) se sont rendus compte que les jeux de rôles à l'ancienne avaient toujours leur public, et que ce public était assez nombreux et motivé pour financer les jeux dont ils rêvaient ! C'est ainsi que l'on a eu diverses tentatives plus ou moins couronnées de succès : wasteland 2, shadowrun, Torment, Underworld Ascent... Le dernier en date a être arrivé au bout de son développement est aussi pour l'instant le plus prometteur, c'est à dire Pillars of Eternity (en attendant Torment). Il s'est présenté dès le départ comme le fidèle héritier de Baldur's Gate. Autant dire que les attentes étaient énormes !
Voila le jeu sorti depuis quelques semaines, et les premiers patchs sont tombés. Quel est le verdict ?
Tout d'abord prenons le temps de décrire le jeu :
Tout commence par la création du personnage principal, qui sera bien entendu très important. Pillars of Eternity propose un système de création très détaillé. Le système de jeu est propre au jeu, et repose sur six caractéristiques (puissance, dextérité, constitution, intelligence, perception et résolution). De ces six caractéristiques découlent quatre scores de défense (déflexion, réflexes, vigueur, volonté) : toutes les attaques du jeu (sorts, coups, tirs) se feront contre l'une d'elles. Chaque personnage possède une classe parmi la dizaine proposée par le jeu, qui définie de façon stricte les pouvoirs et capacités qui lui seront accessibles (pas de multiclassage). Il existe une demi-douzaine de races et quelques sous variantes pour compléter la personnalisation, ainsi que le choix d'un historique de départ. Il y a une liste de compétences limitées à cinq. Enfin, le choix parmi une liste de quelques dizaines de talents (il en existe aussi des spécifiques aux classes) achève la partie création. Autant dire qu'il est possible d'aller très loin dans la personnalisation de son protagoniste, et le système étant particulièrement pointu, le joueur qui découvre Pillars of Eternity pour la première fois risque de se sentir perdu. Ici et là des aides contextuelles permettent d'éviter les ecueils les plus évidents. Dans le mode de jeu le plus facile, les erreurs seront sans conséquences, mais dans les modes de jeu plus difficiles, ce ne sera évidement pas le cas.
Il est important de noter que les scores de compétences et surtout des caractéristiques auront un rôle capital à jouer dans certains dialogues et interactions. Un score trop bas dans l'une d'elle et les façons de dénouer un événements seront plus limités. Rien qui ne bloque la progression de l'histoire, mais il est possible d'avoir des issues plus souhaitables que d'autres avec ces choix de dialogues optionnels.
Un point noir sur le système de jeu de Pillars of Eternity : contrairement par exemple à D&D où chaque classe utilise une caractéristique bien précise pour déterminer la puissance de sa capacité principale (le guerrier la force, le magicien l'intelligence...) dans ce jeu, tous les personnages utilisent les caractéristiques de la même manière, si bien qu'on se retrouve avec des barbares "prix nobel" avec 20 en intelligence, des magicien avec 20 en puissance... Bref, tout cela est encore accentué par le fait que le jeu permet des distributions de caractéristiques mini-maxée à outrance du style 18-3-18-3-18-10 qui feraient hurler à la mort n'importe quel MJ et qui pourtant ne pénalisent pas le personnage tant que ça.
L'objectif de cet article n'étant pas de spoiler l'histoire du jeu, dont la découverte représente une partie importante du plaisir de jeu, je vais me contenter d'évoquer l'intrigue et l'univers du jeu de la façon la plus superficielle possible. L'immersion dans l'univers de jeu et dans le système est progressive, mais rapide. Le monde de Pillars of Eternity est extrêmement riche et détaillé, on se sent parfois un peu perdu même si les interlocteurs proposent souvent de répondre à nos questions éventuelles au fur et à mesure que les principaux élements de l'univers viennent se mettre en place. Cela participe bien entendu à l'immersion totale, mais nécessite aussi une attention soutenue pour ne pas être submergé par ce flot d'informations assez dense. J'ai trouvé par ailleurs que la qualité d'écriture est vraiment au rendez vous. L'esprit "old-school" du jeu est bien là lui aussi : par exemple il n'est pas rare que des petits icône de loupes s'affichent sur tel ou tel élément du décors, ce qui permet d'afficher un texte décrivant cet élément du décors pour ajouter à l'ambiance. Ces textes ne sont pas du tout indispensable mais sont une touche agréable pour ceux qui ne veulent pas juste foncer à travers les différentes zones du jeu pour aller de combat en combat et préfèrent s'immerger davantage dans l'ambiance du jeu.
J'ai trouvé que l'ambiance et la cohérence de l'univers du jeu était vraiment très bien gérée. S'il s'agit d'une base d'univers médieval fantastique classique, il est saupoudré d'assez d'éléments originaux qui évitent qu'il ne soit juste qu'une énième sauce med-fan générique sans saveur. Contrairement à d'autres jeux où l'univers est amené de façon plus artificielle et maladroite (comme j'ai eu le sentiment dans "Divine Divinity : original sins" par exemple), dans Pillars of Eternity, la recette prend très bien : on commence par ne rien savoir, mais tout est amené de façon progressive et comme le jeu arrive à susciter la curiosité du joueur, on n'a pas l'impression d'un habillage artificiel.
Au niveau du contenu du jeu, on est en face d'une durée de vie tout à fait respectable. Il faut compter probablement plus de 30 heures de jeu pour le terminer, et sans doutes bien plus si on veut faire davantage de quêtes secondaires (certains disent plutôt 60). Il y a deux ou trois dizaines de lieux en extérieurs à visiter, plus pas mal de donjons de longueur variable.
Les différentes quêtes du jeu sont généralement de bonne qualité. Je n'ai pas eu l'impression d'être sur des rails, à part au cours de la quête principale qui nécessite une certaine linéarité à certains moments clés (passages d'actes). Il est possible de faire la plupart des quêtes secondaires n'importe quand, ou même jamais : il y a assez de contenu dans le jeu pour permettre au joueur de progresser sans qu'il soit forcé de passer partout. Au final c'est à lui de décider ce qui l'intéresse vraiment, entre le vieil homme qui veut qu'il aille chercher quelqu'un dans les catacombes, ou le jeune garçon qui veut une dague forgée du plus bel acier (ou les deux).
Une note au passage sur les compagnons. S'il est possible de créer les cinq autres personnages du groupe, et de se passer ainsi des compagnons disponibles dans le monde de jeu, ce serait vraiment dommage. En effet, ils ont non seulement une personnalité originale mais aussi une histoire qu'il faudra découvrir progressivement au cours de quêtes qui leur sont liées. Il arrive aussi qu'ils interviennent au cours des dialogues pour apporter leur point de vue sur la situation (même si cela ne semble pas avoir de conséquences sur le déroulement de la discussion). Il existe en tout huit de ces compagnons, ce qui permet normalement de faire un groupe équilibré, sauf si vous avez la malchance de commencer avec un personnage principal ayant une classe identique à celle d'un des compagnons du tout début. Par exemple, le magicien est l'un des premiers compagnons que vous allez croiser, donc si vous faites aussi un magicien, vous êtes prévenus !
Le jeu offre à un moment la possibilité au joueur de devenir le maître d'une forteresse qui lui servira de quartier général et dans laquelle il devra s'investir (en réalité on a pas le choix, on est le maître de la forteresse même si on ne le veut pas). Il sera en effet possible d'y construire diverses améliorations qui auront un effet dans le jeu. Je pense que c'est l'aspect le moins réussi du jeu. Certaines amélioration fonctionnent mal (les cachots par exemple), et la forteresse donne le sentiment d'être sous exploitée. Ainsi si elle est censée être le quartier général du héro, elle est aussi assez loin de l'action et nécessite de long trajets pour s'y rendre. Les bonus et avantages qu'elle peut offrir sont aussi inférieurs aux bonus qu'offrent d'autres zones du jeu plus tard, par exemple ses marchands sont bien mal fournis (la chapelle n'offre généralement que 2 ou 3 parchemins à la vente !). Je pense qu'il serait possible de corriger la forteresse pour en faire quelque chose de plus intéressant qu'un moyen de dépenser l'argent dont on ne sait plus quoi faire à partir de la moitié du jeu.
En ce qui concerne les combats, qui représentent une partie importante de ce type de jeu, le résultat est plutôt positif. Le jeu fonctionne avec un système en temps réel avec pause. Chaque personnage a sa propre vitesse d'action (en fonction de sa caractéristique dextérité) et chaque action du jeu a une vitesse comprise entre instantanée et très lente. Si bien qu'on peut avoir un tireur à l'arquebuse qui va mettre de longues secondes à recharger mais qui peut effectuer un tir très puissant, ou un combattant avec deux dagues qui va multiplier les attaques rapides mais ne faisant individuellement que peu de dégâts. Le jeu gère l'allonge, ainsi que les zones de contrôle au corps à corps : ainsi il est risqué pour un magicien de tenter de s'éloigner une fois qu'il se retrouve engagé par un guerrier ennemi. Les armures permettent de diminuer les dégâts subis mais ralentissent la vitesse d'action du personnage. Le système de capacités par rencontre ou par repos (comme les sorts) permet d’enchaîner les combats mineurs sans que le groupe ne doivent se reposer tous les dix mètres. Les sorts de buffs n'étant disponibles qu'en combat, cela supprimer la phase de prebuff qui était rapidement une plaie dans certains jeux. Bref tout cela en fait un système très riche, avec beaucoup de potentiel, et je n'ai même pas parlé des possibilité d'interruption d'action, de la fatigue...
Tout n'est cependant pas parfait en ce qui concerne les combats. Parfois l'IA de nos compagnons laisse à désirer et il se laissent taper sans réagir (rien qu'un patch ne saurait corriger). Plus gênant, certains sorts et capacités semblent déséquilibrés entres eux, certains au point d'être quasi-inutiles et d'autres surpuissants. C'est un peu dommage car le jeu offre une vrai diversité de sorts et de capacités, même si certaines classes sont moins bien pourvues que d'autre de ce côté, par exemple j'ai le sentiment que le guerrier et le paladin sont un peu les parents pauvres par rapport aux autres classes.
Pour conclure, malgré ces quelques défauts, ne boudons pas notre plaisir : Pillars of Eternity est un excellent jeu de rôle, qui ranime la flamme des jeux de la lignée des Baldur's gate. Il n'a pas à souffrir de la comparaison avec ses illustres ancêtres, ses antiques prédécesseurs eux non plus n'étaient pas non plus dépourvus de problèmes. Indispensable pour tous les fans de Baldur's Gate et autres Planescape Torment !
No comments:
Post a Comment